Les armoiries des femmes d’après les sceaux

Titre(s) : Les armoiries des femmes d’après les sceaux [Texte imprimé] / par Louis Bouly de Lesdain…
Type : 
texte imprimé, monographie
Auteur(s) : Bouly de Lesdain, Louis (1867-1930)

Publication : Saint-Amand (Cher) : impr. de Bussière frères, 1898 (31 p. : ill. ; in-8)
Extrait de l’ « Annuaire du Conseil héraldique de France », 1898

Notice n° : FRBNF30143170,Droits : domaine public

Source : Bibliothèque nationale de France, Lj36-15
Relation : 
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30143170j

Extraits :

L’usage des armoiries paraît s’être établi, pour les femmes, sensiblement plus tard que pour les hommes. Il faut en effet descendre jusqu’en 1188 avant de rencontrer un sceau féminin armorié, alors que, dès la première moitié du XIIe siècle, on en relève au bas des chartes de quelques grands feudataires. L’écart est plus sensible encore à l’étranger qu’en France1.

En nous appuyant uniquement sur le témoignage des sceaux, nous voulons présenter ici quelques observations relatives :

1° A la nature même des armoiries portées par les
femmes ;
2° A la forme de leur écu ;
3° Aux ornements dont elles ont pu l’accompagner
extérieurement.

Cette étude s’arrêtera naturellement à la fin du XVIe siècle, époque à laquelle l’usage du sceau tombe
en désuétude.

I La nature des armoiries portées par les femmes

 

Les femmes mariées ont porté soit les armes de leur père, soit celles de leur mari, soit toutes les deux à la fois.

De 1201 à 1350 une assez grande variété se remarque parmi les sceaux féminins on peut néanmoins les ramener presque tous à quatre types :

A. Sceaux portant simplement l’image de la titulaire et munis d’un contre-sceau armorial.
B. Sceaux purement armoriaux.
C. Sceaux portant l’image de la titulaire accompagnée dans le champ d’un seul écu.
D. Sceaux portant l’image de la titulaire, accostée de deux écus.

De 1275 à 1350, le quatrième type est celui qui jouit de la vogue. L’écu de droite est généralement aux armes du mari, celui de gauche aux armes du père; cet ordre est quelquefois interverti ; parfois encore, à l’origine, les deux écus portent les mêmes armes. Moitié environ de ces sceaux sont munis d’un contre-sceau portant l’un ou l’autre des deux écus, ou plus souvent encore un écu parti.

Jusque vers 1300, on le voit, les armes du mari l’emportent, mais, à compter de cette époque, la presque totalité des écus sont partis.

Pendant la période qui s’étend de 1351 aux premières années du XVIIe siècle, la question des sceaux
féminins se simplifie considérablement. Le sceau à effigie pure a disparu ; il en est de même, à une seule
exception près, du sceau à effigie accompagnée d’un écu. Ne restent donc plus en présence que le sceau à effigie accostée de deux-écus, et le sceau purement armorial. Celui-là d’ailleurs se fait rare, et disparaîtra complètement à partir de 1438.

Pour réunir en un même écu parti les armes du mari et du père, trois procédés ont été employés :

  • Ou bien on respectait l’intégrité de chacun des deux écus originaires, se bornant à les resserrer un peu ;
  • Ou bien, les coupant en deux, on formait le nouvel écu de la moitié dextre des armes du mari et de la moitié sénestre des armes du père ;
  • Ou bien encore, on coupait un seul des écus, laissant l’autre en son entier.

Parmi les écus conservés entiers, quelques-uns ont été parfois légèrement simplifiés.

Lorsque les armes de l’un des conjoints présentent une certaine complication de quartiers, on remplace
parfois le parti par une sorte de tiercé, afin de laisser plus de place à l’un des écus.

Il nous est impossible de dire à quelle époque a commencé l’usage des écus partis par demi. Les plus anciens mentionnés par Demay datent de 1366.

La combinaison laissant intact un des écus pour couper l’autre a toujours été fort rare.

Un certain nombre d’écus féminins présentent encore l’aspect d’un écartelé, lorsqu’ils sont formés
d’un parti de deux demi écus écartelés : ils réunissent alors les 1er et 3e du mari, 2e et 4e du père ; les quatre quartiers sont différents.

Nous n’avons parlé jusqu’ici que des femmes mariées.

Les jeunes filles ont naturellement porté les armes de leur père, mais dans un petit nombre de cas, elles les ont combinées avec celles de leur mère.

 

II La forme de l’écu

 

C’est une opinion généralement enseignée, que l’écu des femmes affecte la forme d’un losange. L’examen des sceaux témoigne cependant que la forme ordinaire a été beaucoup plus souvent employée ; elle se rencontre seule dans les écus qui portent les armes du mari. Nous ne connaissons à cette règle qu’une seule exception le sceau de Marguerite de Hainaut, troisième femme de Robert II, comte d’Artois porte, en 1299, un écu en losange aux armes d’Artois.

Voici maintenant un relevé des différentes formes que l’on rencontre lorsque l’écu est parti ou aux armes du père sur la période de 1251 à 1650 :

  • l’écu ordinaire est le plus représenté : 212 cas,
  • l’écu en losange : 42 cas,
  • l’écu en bannière : 7 cas,
  • l’écu rond : 6 cas.

Le plus ancien écu en losange que nous connaissions est celui que porte, en 1262, le sceau d’Elisabeth de Saint-Verain. Il faut descendre alors jusqu’en 1335 pour rencontrer celui de Marguerite de Picquigny, veuve de Jean de Noyers, et en 1344 celui de Jeanne de Bourgogne, première femme de Philippe VI (Parti de France et de Bourgogne ancien).

L’écu en losange n’a pas d’ailleurs été l’apanage exclusif des femmes nous l’avons relevé sur neuf sceaux masculins s’échelonnant de 1270 à 1420.

L’écu en bannière, c’est-à-dire carré, est presque aussi rare chez les femmes que chez les hommes.

L’écu rond, également très rare, est formé généralement par le champ même du sceau.

On ne semble pas, du reste, avoir attaché grande importance à la forme de l’écu, car la même dame
emploie quelquefois deux formes différentes.

 

III Les ornements extérieurs

 

Les supports ne se rencontrent pas très fréquemment dans les armoiries féminines parmi toutes
celles que nous avons relevées, une quarantaine seulement en offrent des exemples. Nous ne rangeons
pas ici parmi les supports l’image de la dame elle-même tenant à la main son écu.

Toutes les combinaisons de supports employés par les femmes peuvent se ramener aux quatre types suivants :

  1. Un soutien derrière l’écu. A trois exceptions près (deux damoiselles et un sauvage) celui-ci est toujours un ange.
  2. Un support sur le côté. Ce type n’a été employé que deux fois., En i~K), Marie, dame de Wargnies-Ie-Grand se sert d’une sirène, et en 1439, Michelle de Vitry, dame de Trainel d’un personnage placé à dextre.
  3. Deux supports, lions, lévriers, sauvages, sirènes ou cygnes.
  4. Un soutien derrière l’écu et deux supports sur les côtés. Le soutien est toujours un ange, les supports sont des lions, des sauvages, des femmes, des béliers ou des lévriers.

 

De 1326 à 1575, on trouve :

  • Un support : 2 cas.
  • Un soutien : 22 cas.
  • Deux supports : 8 cas.
  • Un support et deux soutiens : 9 cas.

Le heaume ne se rencontre que sur un seul sceau.

La couronne apparaît en 1514 sur le sceau de Marie d’Angleterre, femme de Louis XII. En dehors des reines, on ne la rencontre, au XVIe siècle, que sur les sceaux de quelques très grandes dames.

Il ne nous reste plus enfin à mentionner que la cordelière. Une tradition très répandue veut qu’Anne
de Bretagne en ait introduit l’usage ; après la mort de Charles VIII, elle aurait entouré son écu de cet emblème en l’accompagnant de la devise : J’ay le corps délié. On en trouve néanmoins quelques exemples
antérieurs. Au XVIe siècle, elle est encore très rare ; nous ne l’avons rencontrée que sur six sceaux, dont quatre appartiennent à des femmes mariées (Claude de France, Madeleine de Savoie, Catherine de  Lorraine et Anne d’Est) et deux seulement à des veuves (Louise de Savoie et Catherine de Médicis).

Avec le siècle suivant elle deviendra la caractéristique des veuves.

 

1Les armoiries féminines n’apparaissent qu’en 1222 en Allemagne, en 1250 en Suède et en 1272 en Danemark.- G. Seyler, Geschichte der Heraldik, p. 293. Hildebrandt, Svenska sigiller fran medeltiden, 1re série, pl. III, n° 13 et p. 2. Henry Petersen, Danske adelige sigiller fra det XIII og XIV aarhundrede, p. 3 et pl. IV, n° 41.