Tome 2 – FLANDRES COMTÉ-PAIRIE

§ V.

FLANDRES COMTE-PAIRIE

LA province de Flandres, l’une des dix-sept des Pays-Bas, & le premier des sept comtez de cette partie de l’Europe, que l’on appelle Germanie inferieure, est bornée, au midi par l’Artois, une portion du Haynaut, & une partie de la Picardie : au levant, par une autre portion du Haynaut, & par le Brabant : au nord, par l’océan germanique, & par l’embouchure de l’Escaut qui la sépare de la Zelande : & au couchant, par la Manche, & en partie par la riviere d’Aa, qui s’y jette au dessous de Gravelines, aussi-bien que par le côté de l’Artois, qui regarde les villes de Calais & de Boulogne.
Sans s’arrêter aux anciennes divisions de cette province, on suivra celle des derniers tems, qui la partage en Flandres françoise, & en Flandres espagnole, dite imperiale depuis le traité d’Utrecht.
Le gouvernement de la Flandres françoise comprend non-seulement tout ce qui appartient au roi dans le comté de Flandres, qui consiste principalement ès villes & chastellenies de Lille, Doüay & Orchies, avec leur étenduë, depuis la Lis qui se jette à Gand dans l’Escaut, jusqu’à Bethune & Arras ; mais encore il s’étend sur tout ce que le roi possede dans le pays d’entre la Sambre, la Meuse & l’Escau.

Comme toute le Flandres étoit autrefois couverte de plusieurs forêts, on donnoit le nom de Forestiers aux seigneurs que le roi y envoyoit en qualité de gouverneurs. Les meilleurs auteurs conviennent que les souverains de Flandres ne sont bien connus que depuis le milieu du neuvième siècle. Ils sont devenus par la suite du nombre des six anciens pairs laïques de France, faisoient hommage au roi qui connoissoit des différends qu’ils avoient, soit avec leurs peuples, soit avec leurs voisins, comme il se verra dans la suite de cette histoire, & dans les pieces qui seront rapportées.

ARTICLE PREMIER.
ANCIENS COMTES DE FLANDRES.
I.

BAUDOUIN I du nom, grand forestier de Flandres, surnommé bras de fer, enleva en 862 Judith de France du consentement de cette princesse, & de celui de son frere Louis le Begue, en punition de quoi le pape Nicolas I l’excommunia à la sollicitation du roi Charles le Chauve : il alla à Rome avec Judith ; & le pape touché de leur soumission, & des larmes de la princesse, s’entremit en leur faveur auprès du roi, qui leur pardonna : fit renouveller le mariage dans Auxerre l’an 863 & donna la Flandres à son gendre en titre de comté, sous l’hommage de la couronne : le comte Baudouin fit bâtir les chateaux de Bruges & de Gand capitale de Flandres, fonda l’église de S. Donatien de Bruges ; confirma les donations faites à S. Pierre de Gand, où son cœur & ses entrailles furent enterrez après sa mort, arrivée à Arras en 879 d’autres disent 877 & son corps en l’église abbatiale de S. Bertin & S. Omer. Voyez les annales de S. Bertin, Jacques Meyer, Pierre d’Oudegherst, Jacques le Marchant, Aubert de Mire, & autres historiographes de France.
Femme, JUDITH de France, veuve d’Etelulfe roi des Anglois, fille de Charles, dit le Chauve, roi de France, & d’Ermengarde sa première femme. Voyez Flodoard hist. De Reims, liv. 3, ch. 12 & le XXX titre des Capitulaires de Charles le Chauve.
  1. BAUDOUIN II du nom, comte de Flandres, qui suit.
  2. RAOUL de Flandres, comte de Cambray, par donation de son pere, qui avoit conquis cette place ; entra dans la querelle du comte son frere contre Foulques évêque de Cambray & abbé de S. Vaast d’Arras, qui avoit reçû cette abbaye du roi. Baudouin prétendoit que c’étoit une usurpation, & s’étoit emparé de l’abbaye, & Foulques l’avoit condamné & excommunié comme ravisseur des biens de l’église, dans un consile tenu à Reims l’an 892 Raoul pour venger son frere fit assassiner ce prélat par Winimer l’un de ses officiers le 17 juin de l’an 900 mais lui-même fut tué avant l’an 903 par Herbert I du nom, seigneur de Peronne, de S. Quentin & de Vermandois. Voyez D. Marlot, hist. De Reims, tom. I liv. 5. On lui donne pour fils Isaac, comte de Cambray, pere d’Arnoul I du nom, de qui nâquit Arnoul II du nom, dernier comte de Cambray. Ce comté fut donné à l’église de Cambray par l’empereur S. Henry, sous le pontificat d’Erlevin évêque de cette ville, l’an 1007.

II.

BAUDOUIN II dit le Chauve, comte de Flandres, de Bologne & de S. Paul, eut plusieurs démêlez avec les Danois-Normans & avec les François, qu’il termina heureusement. Il fit rebâtir plusieurs villes, églises & abbayes qui avoient été ruinées par les guerres ; fit clore de murs la ville de Bruges & achever ce que son pere y avoit commencé. Il fortifia aussi les villes d’Ypres, de S. Omer & de Bergh-saint-Vinoch, & établit par tout de bonnes ordonnances. S’étant emparé de l’abbaye de S. Bertin, sous prétexte que le roi Charles le Simple lui en avoit fait don, il en joüit pendant quinze ou seize ans. Pour venger la mort de son frere il declara la guerre au comte de Vermandois ; mais il perdit les villes de S. Omer & d’Arras, qui ne lui furent rendües que par le traité de paix qu’il fit en accordant son fils à la fille de ce comte en 915. Il mourut à Gand le 2 janvier 918 ou 919 & fut enterré en l’abbaye de Blandimberg, dite de S. Pierre, ordre de S. Benoit-lès-Gand, où se voit son épitaphe. Consultez les auteurs citez ci-dessus.
Femme, ELSTRUDE, dite aussi AELFTHRITE, fille puinée d’Elfrede dit le Grand, roi des Anglois, fut mariée l’an 884 mourut le 7 juin 929 fit de grands biens à l’abbaye de S. Pierre-lès-Gand, où elle fut inhumée près de son mari.

  1. ARNOUL I du nom, comte de Flandres, qui suit.
  2. ADOLPHE ou ATULFE, comte de Bologne & de S. Paul qu’il eut en partage, tint aussi en propre l’abbaye de S. Bertin sous prétexte d’Avoüerie. Il mourut en 933 & fut enterré à S. Bertin.
  3. GUINICHILDE, suivant le P. Labbe, femme de Wifred II du nom, comte de Barcelonne.
  4. & 5. EGILFREDE ELSTRUDE, suivant Oudegherst, desquelles on ne trouve que le nom.

III.

ARNOUL I du nom, comte de Flandres, surnommé le Grand ou le Vieil, eut de grandes guerres avec l’empereur Othon I qui s’étoit emparé du chateau de Gand, lequel lui fut rendu par appointement fait avec cet empereur l’an 941. Il avoit succedé en 933 aux comtez de Bologne & de S. Paul, après la mort de son frère, comme à l’abbaye de S. Bertin, qu’il rendit depuis à l’abbé, en retenant quelques places, & par la suite il donna la ville de Poperingues à ce monastere. Ayant des démêlez avecGuillaume duc de Normandie I du nom, dit longue épée, il l’attira dans une Isle de la riviere de Somme près Picquigny, sous prétexte d’y parler d’accomodement, & le fit lâchement assassiner en sa présence l’an 943. il établit en 961 douze chanoines en l’église de S. Donatien de Bruges, mourut le 27 mars 965 âgé de 81 ans au plus, & non pas de 92 comme l’ont écrit plusieurs auteurs, qui n’ont pas fait reflexion qu’ils avoient eux-même daté le mariage de sa mere de l’an 884 & fut enterré dans l’abbaye de S. Pierre-lès-Gand où se voit son épitaphe, suivant les mêmes auteurs.
Femme, ALIX, ou ADELE de Vermandois, fille aînée d’Herbert II du nom, comte de Vermandois, & d’Hildebrante, fille de Robert, dit le fort, duc de France, fut accordée par le traité fait entre son pere & Baudouin comte de Flandres en 915 Flodoard recule son mariage jusqu’en 934 elle mourut à Bruges l’an 960 & fut enterrée à S. Pierre-lès-Gand.

  1. BAUDOUIN III du nom, comte de Flandres, qui suit.
  2. HERBERT, dont on ne trouve que le nom, étoit mort en 951.
  3. LIETGARDE de Flandres, mariée à Wienan comte & chatelain de Gand, mourut le 20 septembre 961 fut enterrée dans l’abbaye de S. Pierre-lès-Gand, à laquelle son mari fit de grands biens. Du Chesne, hist. De la maison de Guines liv. 2 ch. I & Wredius p. 22 de ses preuves.
  4. EDELGARDE de Flandres, femme, suivant David Blondel, de Valeran comte de Crespy.
  5. ELSTRUDE de Flandres, épouse de Sifrid, seigneur Danois, qui a donné origine aux comtes de Guines, suivant du Chesne dans l’histoire qu’il a fait imprimer de cette maison.

IV.

BAUDOUIN III du nom, comte de Flandres, surnommé le Jeune, commença à gouverner la Flandres du vivant de son père, qui s’en démit en sa faveur l’an 958 mourut de la petite vérole à Berg-saint-Vinoch le 1 janvier 961 & fut enterré dans l’abbaye de S. Bertin, comme porte son épitaphe.
Femme MAHAUD de Bourgogne, fille de Conrad I du nom, roi de Bourgogne-Tranjurane, & de Mahaud, soeur du roi Lothaire. Quelques auteurs ont dit au contraire qu’elle étoit fille d’Herman duc de Saxe. Elle fut mariée en 961 & se remaria avec Godefroy comte de Verdun, surnommé le captif. Sa mort arriva avant l’an 972 comme il s’apprend d’une charte du comte Arnoul son fils, rapportée par Wredius pag. 13 de ses preuves ; fut enterrée en l’abbaye de S. Pierre de Gand.

  1. ARNOUL II du nom, comte de Flandres, qui suit.
  2. BERTHE de Flandres, suivant Guichenon ( Hist. de Savoye liv. II p. 1169) qui la dit femme d’Aymar I du nom, comte de Genève, vivant en 1016.

V.

ARNOUL II du nom, comte de Flandres, surnommé le Jeune, pour le distinguer du comte Arnoul son ayeul, auquel il succéda dès comtez de Flandres, de Bologne & de Guyenne. Il étoit vraissemblablement né posthume, ou du moins très peu de jours avant la mort de son père, sur la fin de décembre 961 ce qui se conjecture de la date du mariage de sa mere fait après Pâques de la meme année. Il n’avoit par conséquent que quatre ans & peu de mois lorsque son ayeul déceda, & le roi Lothaire son oncle maternel profitant de cette minorité, s’empara de quelques une de ses ville, entr’autres de celles d’Arras & de Doüay ; mais il les lui remit dans la suite par un accomodement. Etant majeur il eut differend avec l’abbé de S. Bertin au sujet de la ville de Calais, que son ayeul avoit retenu en restituant cette abbaie ; ce differend fut terminé par un accord. Ce fut lui qui mit en possession du comté de Guines, Adolphe, qui selon du Chêne étoit fils d’une de ses tantes parternelles, & il lui donna encore quelques autres places. Ayant depuis fait alliance avec le comte de Luxembourg, il entra en armes, à sa sollicitation, dans le païs de Haynaut, & fit quelques progrès qu’il fut obliger d’abandonner. Il confirma en 988 tous les biens qui avoient été faits à l’abbaïe de S. Pierre de Gand, & y fut enterré dans le chapelle S. Laurent le 23 mars de la même année. Sa sépulture ne se fit que le 30 du même mois, ce qui a donné lieu à quelques écrivains de ne dater sa mort que de ce jour. Outre les auteurs citez ci-dessus, Voyez Guillaume de Jumièges, liv. 4 ch. 19.
ROSALE ou ROSELE, fille de Berenger II du nom, roi d’Italie, mourut à Compiègne le 26 janvier 1003 & fut enterrée près de son mari. L’auteur de la vie de Bertould (Les Continuateurs de Bollandus s. Février) dit qu’elle s’étoit remariée à Robert roi de France. MM de sainte Marthe croient qu’elle fut répudiée.

  1. BAUDOUIN IV du nom, comte de Flandres, qui suit.
  2. AUDEBERT, nommé dans une charte de l’abbaïe de S. Pierre
  3. THIERRY, nommé dans une charte de l’abbaïe de S. Pierre
  4. MAHAUD de Flandres, suivant le même auteur.

VI.

BAUDOUIN IV du nom, comte de Flandres, surnommé le Barbu, remit dans leur devoir ceux de Courtray qui s’étoient revoltez ; s’empara de la ville de Valenciennes en 1002 comme le porte la chronique de Sigebert, & la défendit courageusement contre les forces de l’empereur, du roi de France & du duc de Normandie ; mais depuis ayant fait sa paix, il se soumit à l’empereur S. Henry, qui lui donna en fief l’an 1007 cette ville, le chateau de Gand, le païs de Waës, & les quatre mestiers ou districts des villes de Halft, Axile, Bouchout & Assenede, scises en l’Isle de Walcke en Zelande, qu’il unit à son comté de Flandres. Guillaume de Jumiege (Liv. 6 ch. 6) dit que son fils le chassa de ses états, mais qu’il y fut retabli à l’aide de Robert duc de Normandie. Il mourut le 30 mai 1036 & non 1034 ainsi que quelques-uns l’ont écrit, & fut enterré en la chapelle de S. Laurent de l’abbaïe de S. Pierre de Gand.
I. Femme, OGIVE dite aussi CUNEGONDE, fille de Frederic I du nom, comte de Luxembourg, fut accordée par le traité d’alliance que son pere fit avec ce comte ; mourut le 21 février 1030 & fut enterrée en la chapelle de S. Laurent de S. Pierre de Gand.
BAUDOUIN V du nom, comte de Flandres qui suit.
II. Femme, ALIENOR, dite le More, seconde fille de Richard II du nom, duc de Normandie. Guillaume de Jumieges, liv. 5 ch. 13.

VII.

BAUDOUIN V du nom, comte & marquis de Flandres, surnommé de Lille ou le Pieux & le Débonnaire, meriteroit de grandes loüanges si sa révolte contre son pere n’avoit pas terni l’éclat de tout ce qu’il a fait de bien. Fit la guerre aux Frisons, qu’il dompta en 1045 donna secours à Geoffroy dit le Barbu, duc de Lorraine, contre l’empereur Henry III & fit son entrée à main armée dans le païs de Haynaut après la mort du premier mari de Richilde heritiere de ce païs, qu’il obligea en 1051 de consentir au mariage qu’il lui avoit fait proposer avec son fils aîné. L’empereur Henry IV lui confirma les donations qui avoient été faites au comte Baudouin son pere, de la ville de Valenciennes, du chateau de Gand, d’Alost, & autres places, & il en fit hommage à ce prince le jour de son couronnement en la ville de Cologne l’an 1057. Après la mort d’Henry I roi de France, arrivée l’an 1060 il eut le gouvernement du royaume durant la minorité du roi Philippe I neveu de sa femme. Passa en Angleterre l’an 1066 avec Guillaume duc de Normandie son gendre, qui, par reconnoissance des bons services qu’il en avoit reçû dans la conquête de ce royaume, lui assigna & aux comtes de Flandres ses successeurs, une pension annuelle de trois cens marcs d’argent à prendre sur les revenus d’Angleterre. Le payement de cette somme a causé par la suite de grands differends entre les successeurs de l’un & de l’autre. Le comte mourut en la ville de Lille le 1 septembre 1067 & y fut enterré dans le choeur de l’église collégiale de S. Pierre, qu’il avoit fondé & fait bâtir vers l’an 1046. Il fut aussi fondateur des églises d’Aire, d’Harlebeque, de S. Sauveur d’Eenham près Oudenarde, & de plusieurs autres. Voyez les auteurs citez ci-dessys, & le Mire dans son Codex donationum piarum.
Femme, ADELE de France, fille du roi Robert, & de Constance de Provence sa deuxième femme ; elle fut mariée à Amiens l’an 1028 fonda en 1065 l’abbaïe de Messines, (Marchant, hist. de Flandres) à deux lieuës d’Ipres, pour trente fille nobles, ui suivroient la regle de S. Benoït, & douze ecclesiastiques pour leur administrer les Sacremens. Aprè la mort de son mari elle alla à Rome, reçût des mains du pape Alexandre II le voile de religieuse, & revint à Messines passer le reste de ses jours jusqu’à sa mort arrivée en 1079. Son corps y fut inhumé. Voyez Guillaume de Jumieges, pag. 259 Orderic Vital, &c.

  1. BAUDOUIN VI du nom, comte de flandres, qui suit.
  2. ROBERT, comte de Flandres, qui suivra.
  3. EUDES de Flandres, archevêque de Treves, vivant en 1080 dont il sera parlé plus amplement dans l’histoire d’Allemagne au chapitre des électeurs archevêques de Trêves. Orderic Vital fait mention de lui pages 523 570 & 638 de son hist. eccles. du Chêne, script. Normania.
  4. HENRY de Flandres, clerc, au rapport du même auteur, pages 526 & 538
  5. MAHAUD de Flandres, fut mariée par le comte son pere l’an 1053 à Guillaume le bâtard, duc de Normandie & depuis roi d’Angleterre, surnommé le Conquerant. Etant devenuë reine elle s’empara du comté de Glocestre sur le comte de Brictitius, qu’elle fit enlever en sa maison & conduire prisonnier à Wenton, où elle le retint pour se venger du mépris qu’il avoit marqué autrefois pour elle, lorsqu’il étoit ambassadeur en Flandres. Elle mourut le 2 décembre 1083 & fut enterrée en l’abbaïe de la Trinité de Caën, qu’elle avoit fondée avec son mari en 1064. Guillaume de Normandie, dit Cliton, son petit-fils, prétendit par elle au comté de Flandres, ainsi qu’on le verra dans la suite de ce paragraphe.
  6. JUDITH de Flandres épousa Tostic comte de Kent, fils du comte Godwin & frere d’Harald ; roi d’Angleterre, suivant Orderic Vital, p. 492.

VIII.

BAUDOUIN VI du nom, comte de Haynaut par sa femme, puis de Flandres, fut surnommé de Mons, à cause qu’il se plaisoit en cette ville dont il étoit seigneur. L’empereur Henry IV lui donna tous ses droits sur la ville de Tournay l’an 1057 deux ans après il y fit son entrée & y fut reçû magnifiquement. Il acquit la seigneurie de Grammont au-delà de l’Escaut ; l’unit à ses états & la fortifia. Il mourut le 17 juillet 1070 d’autres disent le 21 ayant auparavant partagé à ses fils sa succession dans une assemblée des Grands de ses états qu’il avoit convoquez exprès à Oudenarde. Il donna la Flandres à son aîné, qu’il mit sous la tutelle de Robert, dit le Frison, son frere, & institua le cadet son heritier au comté de Haynaut. Il fut enterré dans l’abbaïe de Hasnon, ordre de S. Benoit, diocèse d’Arras, qu’il avoit fait réparer & fondée de nouveau au bourg de Stevant, sur la rivière de Scarpe, dans son comté de Haynaut.
Femme RICHILDE comtesse de Haynaut, de Mons, & en partie de Brabant & de Valenciennes, fille unique & heritiere de Raynier VI du nom, comte de Haynaut, & de Mahaud d’Ardenne. Elle avoit épousé premierement un comte nommé Herman, qui avoit pris à cause d’elle la qualité de comte de Haynaut, & avec lequel elle avoit acquis partie du comté de Valenciennes. Après avoir eu quelque démélé ensemble en 1046 qui n’avoit pû être appaisé qu’en 1049 par l’entremise du pape Leon IX elle étoit devenuë veuve peu après, mere d’un fils, qui étant boiteux, embrassa l’état ecclesiastique, & d’une fille qui fut religieuse. C’est dans cette conjoncture que Baudouin V comte de Flandres voulant faire entrer le comté de Haynaut dans sa maison, la fit rechercher en mariage pour son fils aîné, & ayant été refusé il fit des courses sur ses terres & l’obligea par là à condescendre à sa volonté. Le mariage fut celebré en 1051 & l’empereur Henry III en fut si mécontent, qu’il leur fit la guerre tant qu’il vécût. Entant mort en 1056 le pape Victor fit l’accomodement l’année suivante avec Henry IV fils & successeur de cet empereur. La comtesse Richilde ayant perdu son second mari en juillet 1070 prétendit avoir la tutelle de son fils aîné, qui lui fut contestée par son oncle paternel. Elle se remaria peu après à Guillaume seigneur de Breteüil en Normandie, comte de Herefort & d’Essex en Angleterre, à qui elle fit prendre aussi-tôt le titre de comte de Flandres. Les Flamans mécontens de ce mariage, qui s’étoit fait sans leur participation, & irritez des exactions nouvelles qu’elle leur imposa, se révoltèrent & appellerent robert de Flandres, dit le Frison, frere de leur défunt comte, pour les soûtenir. Richilde passa en France avec ses deux fils pour implorer le secours du roi Philippe I leur oncle. Ce prince alla en personne en Flandres avec une puissante armée, mais il y fut défait à la sanglante bataille de Mont-Castel près de S. Omer, le dimanche de la septuagesime 20 fevrier, d’autres disent le 22 feste de la chaire de S. Pierre, & quelques-uns le 19 fevrier (Orderic Vital) 1071. Le comte d’Herefort & Arnoul fils aîné de la comtesse furent tuez, & elle y demeura prisonniere. ayant été mise presqu’aussi-tôt en liberté, elle vint en France demander un nouveau secours, qu’elle ne pût obtenir. Elle vendit à l’évêque de Liege le chateau de Merowast, & lui engagea les principales places de son comté de Haynaut, qu’elle reprit en fief de lui pour une grosse somme d’argent, & ce qu’elle tenoit de l’empire, ce qui fut depuis confirmé par l’empereur le 11 mai suivant. Avec ce secours elle leva de nouvelles troupes qui furent encore défaites à la bataille donnée près de Broqueroye à une lieuë de Mons. Cet échec l’obligea, aussi-bien que son fils Baudouin, à s’accorder avec Robert le Frison, auquel ils quittèrent le comté de Flandres moyennant une certaine somme, & les comtez d’Ostrevant & de Valenciennes qui leur demeurerent. Depuis elle fonda avec son fils en 1081 l’abbaïe de S. Denis pour des religieux de S. Benoit, près de Broqueroye au diocèse de Cambray, en mémoire de la bataille qui y avoit été donnée. Elle fonda aussi l’église de Nôtre-Dame la Grande de Valenciennes, & celle de S. Vincent à Beaumont, après avoir fait clore de murs cette ville : rétablit Gerard évêque de Cambray en son siege, ayant obligé Hugues, chatelain de Cambray, seigneur d’Oisy, que le détenoit prisonnier en son chateau d’Oisy, de le relâcher. enfin elle mourut le 15 mars 1086 étant avancée en âge, selon Baudouin d’Avesnes, & fut enterrée près de son second mari en l’abbaïe de Hasnon. Voyez Aubert le Mire en sa Notice des eglises Belgiques. D’Outreman en son hist. de Valenciennes. Ruteau en ses annales de Haynaut. Butkens, trophées de Brabant, liv. II ch. XI.

  1. ARNOUL III du nom, comte de Flandres, dit le malheureux, eut une triste destinée par la faute de sa mere, & fut tué à la bataille de Mont-Castel, après s’être vaillament défendu, & avoir eu deux chevaux tuez sous lui le 20 fevrier 1071. il ne laissa point de postérité & fut enterré en l’abbaïe de S. Bertin, sous un tombeau que le comte son oncle lui fit dresser.
  2. BAUDOUIN de Flandres fut comte de Haynaut, & laissa postérité, qui sera rapportée à l’article XVI de ce paragraphe.

VIII.

Suite des comtes de Flandres

ROBERT I comte de Flandressurnommé le Frison fils puîné du comte BAUDOUIN V eut en partage de son pere le comté d’Alost, les quatre Mestiers & les isles de Zelande, à condition de ne rien pretendre davantage au comté de Flandres. il attaqua d’abord les Frisons, & reduisit toute l’Ost-Frise à son obéissance, ce qui lui acquit le surnom de Frison : mais il en fut chassé peu après par Godefroy duc de la basse-Lorraine, dit le bossu, qui le defit dans un grand combat. Son frère aîné étant mort, il prétendit avoir l’administration des états de son neveu, dont il avoit été nommé tuteur, ce qui lui fut contesté par sa belle-soeur, comme il a été rapporté. Après la victoire de Moncastel en laquelle l’aîné de ses neveux fut tué : il fut reconnu pour comte de Flandres par tous les états du païs : entra ensuite dans le comté de Haynaut ; y fit de grands ravages, & contraignit le jeune Baudouin son autre neveu de renoncer à toutes les prétentions qu’il avoit sur la Flandres. Il fit son accomedement avec le roi : obtint en don de l’empereur Henry IV le comté de Cambray, à condition de l’hommage : fonda l’église collégiale de S. Pierre de Cassel, celle de Thoroult, & l’abbaïe de Watain, ordre de S. Augustin, dans le diocèse de S. Omer, à present possedée par les Jesuites, & bâtit le chateau de Winendale : fit le voyage de la Terre-Sainte, & au retour, après la mort de Godefroy de bossu, duc de la basse-Lorraine, qui s’étoit emparé du comté de Hollande, il y retablit le legitime heritier fils de sa femme. Il mourut subitement dans son chateau de Winendale le 12 d’octobre 1093 & fut enterré en l’église de S. Pierre de Cassel. Consultez Guillaume de Jumieges, Orderic Vital, les « annales de Flandres » de Jacques Meyer, & celles de Pierre d’Oudergherst, « la Flandres » de Jacques le Marchant & autres.
Femme, GERTRUDE de Saxe, veuve de Florent I du nom, comte de Hollande, & fille de Bernard duc de Saxe, fut mariée en 1063 mourut à Furnes en 1113 & y fut enterrée.

  1. ROBERT II du nom, comte de Flandres, qui suit.
  2. PHILIPPE de Flandres, eut part à la succession de son pere, au rapport de Guillaume de Jumieges & de Baudouin d’Avesne. Etant tombé d’un grenier, il mourut peu de jours après, & fut enterré en l’église de Berg-S.-Winoch, suivant Oudegherst. De sa maitresse N…. de Loo, fille de Guillaume de Loo, vicomte d’Ypres, naquit :
    1. Guillaume surnommé d’Ypres, à cause qu’il en étoit vicomte. Il épousa une nièce de Clemence de Bourgogne, veuve de son oncle paternel, en consideration de quoy cette comtesse ayant persu son fils, fit tout son possible pour le faire succeder au comté de Flandres, au préjudice de Charles de Dannemark, avec lequel il eut de grands démélez. Celui-cy étant mort en 1227 Guillaume fit de nouveaux efforts pour s’emparer de la Flandres, & se rendit maître d’une partie de l’Orientale, d’où il fut bientôt chassé par le roi Louis le gros, qui y établit Guillaume de Normandie. Le vicomte d’Ypres fit aussi la guerre, mais il fut pris dans sa ville d’Ypres, & relaché sur la parole qu’il donna de ne plus troubler le pays. S’étant revolté de nouveau contre Thierry d’Alsace, qui le força de se refugier en Angleterre l’an 1129. Il fit la paix avec lui, qui lui permit de revenir en Flandres, à condition de vivre tranquille dans son chateau de Loo où il mourut, & y fut enterré dans l’église de S. Pierre qu’il avoit fait bâtir. Il eut un fils nommé Robert de Loo, mentionné dans une charte de l’abbaye de Furnes en 1183.
  3. ADELE ou ALIX de Flandres, fut alliée 1° à S. Canut III du nom, roi de Dannemarck, qui fut tué par ses sujets le 10 juillet 1081. 2° à Roger duc de la Pouille & de Calabre. De son premier mariage naquit S. Charles comte de Flandres mentionné article XI de ce paragraphe.
  4. GERTRUDE de Flandres, mariée 1° à Henry comte de Louvain & de Bruxelles, qui fut tué en un tournoy dans la ville de Tournay l’an 1095. 2° à Thierry d’Alsace dit le Vaillant, duc de Lorraine, dont elle eut Simon I du nom, duc de Lorraine, duquel descendent les ducs de Lorraine, qui seront rapportez dans l’histoire des maisons souveraines : & Thierry d’Alsace, comte de Flandres, dont il sera parlé article IV. de ce paragraphe.
  5. OGIVE de Flandres, étoit abbesse de Messines au diocèse d’Ypres en 1101 & vivoit encore en 1127 qu’elle reconnut que le comte son pere lui avoit donné le Tonlieu de Dun, pour prier pour le repos de son ame.

IX.

ROBERT II comte de Flandressurnommé le Jerosolimitain, commença son administration par abolir la coutume que les comtes de Flandres avoient de succeder aux biens meubles des gens d’église : il y fut obligé par les menaces qui lui furent faites en 1094 de la part du concile provincial de Reims, de mettre tout son comté en interdit, & de lui interdire à lui-même l’eau & le feu. (Marlot, « hist. de Reims », t.2 p.194) Après la publication de la croisade pour la Terre-Sainte, faite au concile de Clermont en 1095 il entreprit ce voyage avec nombre de ses sujets, & se signala à la bataille d’Antioche & à la prise de la ville de Jerusalem le 15 juillet 1099 donna son consentement à l’élection du roi Godefroy avec lequel il marcha contre l’armée des infidelles qui venoit les assieger ; termina quelques differends survenus entre les Princes & se trouva à la bataille d’Ascalon. Après cet exploit il revint dans ses états en 1100 fonda l’abbaye de Saint André-lès-Bruges, pour des religieux de l’ordre de S. Benoit, & fit du bien à plusieurs autres. (Rymer, …) Il s’obligea en 1001 envers Henry I roi d’Angleterre de le servir avec 500 cavaliers moyennant quatre cens marcs d’argent que ce roi s’engagea de lui payer en fief. Il mourut d’une chûte de cheval passant sur un pont le 3 décembre 1111 & fut enterré dans l’abbaye de S. Waast d’Arras qu’il avoit nouvellement reformée.
Femme, CLEMENCE de Bourgogne-comté, troisième fille de Guillaume II du nom, dit tête hardie, comte de Bougogne, & d’Ethiennette sa femme. Fatiguée de tous ses enfans qu’elle avoit eus en moins de deux ans, elle prit une potion qui la rendit sterile, ce qui ne l’empêcha pas de se remarier en fevrier 1120 à Godefroy I du nom, dit le Barbu, comte de Louvain & de Brabant, duc de Lothier, dont elle fut la seconde femme. Elle fonda l’abbaye de Mercken & celle de Bourbourg pour des filles de S. Benoît, où elle fut enterrée en 1129 selon Meyer. Butkens dit 1131.

  1. BAUDOUIN VII du nom, comte de Flandres, qui suit.
  2. & 3. GUILLAUME & PHILIPPE de Flandres, qui vrai-semblablement étoient jumeaux. Le premier vêcut dix-sept ans, & fut enterré à S. Bertin : le second mourut plus jeune. La chronique d’Alberic fait mention d’eux.

X.

BAUDOUIN VII comte de Flandressurnommé Hapkin ou à la Hache, & par corruption Hapeule, est nommé en plusieurs chartes des abbayes de S. Bertin, de S. Pierre de Lille, & de S. André de Bruges, des années 1112, 1113, 1117 & 1119. Il tint une cour solmnelle à S. Omer en 1113 & une autre des principaux prélats de ses états l’an 1117 dans le chapitre de S. Pierre de Gand, pour reformer cette abbaye, & fit une belle ordonnance contre les usuriers ès terres & seigneuries de sa dépendance. Ayant pris les intérêts du roi Louis le gros contre Henry I roi d’Angleterre, il entra dans la Normandie avec une puissante armée l’an 1118 & y fit divers ravages : mais attaquant le chateau de Bares dans le pays de Caux près d’Arques, il y fut blessé dans le mois de septembre par un nommé Hugues Battereau, ce qui l’obligea de se retirer à Aumale, où quelques actions d’intemperance, ausquelles il se laissa aller, envenimerent si fort son mal, qu’il ne traina plus qu’une vie languissante jusqu’au 17 de juin 1119 qu’il mourut agé de 26 ans, & fut enterré dans l’abbaye de S. Bertin sous un tombeau de marbre. Comme il ne laissa point d’enfans d’Agnès de Bretagne, fille d’Alain III du nom, comte de Bretagne, dit Fergent, & d’Emengarde d’Anjou, que son pere lui avoit fait épouser dès l’an 1105 & dont il fut ensuite separé pour cause de parenté ; il nomma pour son successeur en ses états Charles de Dannemarck son cousin germain, dont il sera parlé dans l’article qui suit.